
C’est un pavé dans la mare technologique. Un rapport publié par l’équipe du sénateur américain Bernie Sanders dresse un portrait alarmant de l’impact de l’intelligence artificielle sur le marché du travail, et propose des solutions radicales pour éviter une crise sociale. Le document, qui a la particularité d'avoir été en partie rédigé avec l'aide de ChatGPT, prédit un véritable séisme. L'IA et l'automatisation pourraient, selon ses modélisations, faire disparaître près de 100 millions d'emplois aux États-Unis au cours de la prochaine décennie.
Les chiffres donnent le vertige. Le rapport, qui s’est appuyé sur l’analyse des descriptions de postes du gouvernement fédéral, évalue que certains secteurs seraient quasiment rayés de la carte. Les employés de la restauration rapide verraient 89 % de leurs postes automatisés, soit environ 3 millions de personnes. Les comptables (64 %), les chauffeurs routiers (47 %), le service client ou encore la manutention de marchandises (plus de 80 %) seraient également en première ligne. Une prédiction sombre, corroborée par Dario Amodei, le dirigeant d’Anthropic, une société rivale d’OpenAI. Ce dernier estime que l'IA pourrait supprimer la moitié des emplois de cols blancs débutants et faire grimper le chômage américain à 10, voire 20 %.
Une taxe pour rééquilibrer la balance
Face à ce scénario, Bernie Sanders et les démocrates qui l'entourent remettent sur la table une idée forte : une « taxe sur les robots ». Le principe est simple : les grandes entreprises qui remplaceraient massivement leurs salariés par des systèmes d’IA ou des robots seraient soumises à un impôt spécifique. La logique est implacable : si le travail humain est taxé, pourquoi celui des machines qui le remplacent ne le serait-il pas ? Les revenus générés serviraient à compenser la perte des charges sociales et, surtout, à financer de vastes programmes de reconversion pour les travailleurs mis sur la touche.
Dans son livre publié en 2023, le sénateur du Vermont défendait déjà cette approche : « Si les travailleurs doivent être remplacés par des robots, comme ce sera le cas dans de nombreux secteurs, nous devrons adapter les politiques fiscales et réglementaires afin de garantir que ce changement ne devienne pas simplement un prétexte pour une course vers le bas visant à maximiser les profits des multinationales ». L’objectif n’est pas de freiner l’innovation, mais de s'assurer que ses bénéfices ne soient pas confisqués par une poignée d’acteurs économiques.
Au-delà de l'impôt, un nouveau pacte social
Cette taxe n'est que la pierre angulaire d'un projet plus vaste visant à redéfinir le travail à l'ère de l'automatisation. Le rapport propose d’autres réformes ambitieuses, comme l'instauration de la semaine de 32 heures sans perte de salaire, contre 40 actuellement. Une manière de partager les gains de productivité permis par la technologie. Le document préconise également la mise en place d'un salaire minimum fédéral à 17 dollars de l'heure et un renforcement des protections liées aux heures supplémentaires.
L'une des idées les plus novatrices consiste à garantir une participation des travailleurs dans les industries qui se tournent vers l'automatisation. Pour les auteurs du rapport, l'impact final de l'intelligence artificielle sur l'emploi n'est pas une fatalité. Il dépendra entièrement des choix politiques qui seront faits aujourd'hui pour modeler l'avenir.
Une idée qui fait son chemin
L’idée d’une taxe sur les robots n’est pas nouvelle. En 2017 déjà, le cofondateur de Microsoft, Bill Gates, avançait une proposition similaire. Lors d’une interview, il expliquait que si un ouvrier payait des impôts sur son revenu, un robot effectuant le même travail devrait être taxé à un niveau équivalent. Pour le milliardaire, cette fiscalité était indispensable pour financer la protection sociale et l'accompagnement des métiers en transition.
Sept ans plus tard, alors que l’IA générative se déploie à une vitesse fulgurante et que les projets d'agents autonomes et de robots humanoïdes se multiplient, la proposition de Bernie Sanders acquiert une résonance particulière. Elle pose une question centrale : à qui profitera la prochaine révolution industrielle ?
Sources primaires :
- Rapport du Sénat américain dirigé par le sénateur Bernie Sanders
- Livre de Bernie Sanders (2023)
- Interview de Bill Gates (Quartz, 2017)
- Déclarations de Dario Amodei (Anthropic)
Sources secondaires :
- https://www.presse-citron.net/etats-unis-bernie-sanders-propose-taxe-robots-ia/
- https://fr.businessam.be/un-rapport-americain-predit-que-des-millions-demplois-sont-menaces-par-lia-appel-a-une-taxe-sur-les-robots/
